Ton activité d’auto-entrepreneur décolle et tu n’arrives plus à suivre seul ? Tu penses à recruter pour gérer la charge de travail, mais tu ne sais pas par où commencer ? Est-ce seulement possible d’embaucher quelqu’un avec ce statut ?
Oui, c’est possible, mais le chemin est plein d’obstacles. Ce guide complet te détaille toutes les étapes pour déclarer un salarié en auto-entreprise et les alternatives plus simples pour développer ton activité sans te perdre dans la paperasse.
L’auto-entrepreneur peut-il embaucher un salarié ? (Faisabilité et enjeux)
La réponse est simple et directe : oui, un auto-entrepreneur a le droit d’embaucher un ou plusieurs salariés. Aucune loi n’interdit le recrutement lorsque tu es sous le régime de la micro-entreprise. Tu peux donc signer un contrat de travail (CDI, CDD) comme n’importe quelle autre entreprise.
Mais attention, ce n’est pas la vocation première de ce statut. Le régime de l’auto-entreprise a été pensé pour faciliter le lancement d’une activité individuelle, avec une gestion administrative et comptable allégée. Embaucher un salarié te fait basculer dans un monde de complexité qui va à l’encontre de cette simplicité.
L’embauche peut être une solution pour un besoin ponctuel ou pour tester un modèle avant de faire évoluer ton entreprise vers un statut juridique plus adapté, comme une EURL ou une SASU. C’est une décision qui doit être mûrement réfléchie, car les contraintes sont nombreuses et peuvent fragiliser ton activité.
Les avantages et inconvénients de l’embauche directe en auto-entreprise
Avant de te lancer, il faut peser le pour et le contre. L’embauche directe a quelques avantages, mais surtout de lourds inconvénients spécifiques à la micro-entreprise.
| Avantages de l’embauche directe | Inconvénients de l’embauche directe |
|---|---|
| ✅ Gain de temps pour te concentrer sur ton cœur de métier. | ❌ Plafonds de chiffre d’affaires vite atteints. |
| ✅ Développement de l’activité en répondant à plus de clients. | ❌ Non-déductibilité des charges et du salaire. |
| ✅ Acquisition de nouvelles compétences au sein de ton projet. | ❌ Coût réel très élevé pour ta rentabilité. |
| ✅ Test de la gestion d’équipe avant de changer de statut. | ❌ Complexité administrative (paie, déclarations…). |
Le casse-tête des plafonds de chiffre d’affaires
C’est le premier obstacle majeur. Pour rester auto-entrepreneur, tu ne dois pas dépasser certains plafonds de chiffre d’affaires annuel. Or, le salaire de ton employé et les charges associées ne sont pas déductibles de ce chiffre d’affaires. Tu dois donc générer beaucoup plus de revenus pour payer ton salarié, ce qui te rapproche dangereusement des seuils.
Pour rappel, les plafonds en 2024 sont de :
- 188 700 € pour les activités de vente de marchandises.
- 77 700 € pour les prestations de services commerciales ou artisanales et les professions libérales.
Si tu dépasses ces plafonds deux années de suite, tu sors automatiquement du régime de la micro-entreprise et bascules en entreprise individuelle classique, avec une fiscalité et des charges bien plus lourdes.
La non-déductibilité des charges : le principal frein
C’est le point le plus critique et celui qui rend l’embauche souvent non rentable pour un auto-entrepreneur. Contrairement à une société (EURL, SASU), tu ne peux déduire aucune charge de ton chiffre d’affaires. Cela inclut le salaire brut de ton employé et les charges patronales que tu dois payer.
En clair : tu paies tes cotisations sociales et tes impôts sur l’intégralité de ce que tes clients te paient, même si une grosse partie de cet argent sert à payer ton salarié. Tu es donc imposé sur des sommes que tu ne touches pas réellement.
💡 Exemple concret :
Imaginons que tu factures 2 000 € à un client. Cette prestation a nécessité l’intervention de ton salarié, qui te coûte 1 200 € (salaire + charges). En micro-entreprise, tu déclareras 2 000 € de chiffre d’affaires et paieras tes cotisations sur cette base. Ton bénéfice réel n’est que de 800 €, mais tu es taxé sur 2 000 €.
Le coût réel d’un salarié
Le coût d’un salarié ne se limite pas à son salaire net. Pour l’employeur, le calcul est bien plus complexe. Il faut ajouter de nombreuses charges qui pèsent lourd sur la trésorerie.
Le coût total pour toi inclut :
- Le salaire brut (salaire net + cotisations salariales).
- Les cotisations patronales (environ 25 à 42 % du salaire brut).
- La mutuelle d’entreprise (prise en charge à 50 % minimum).
- Les frais de médecine du travail.
- Les éventuels coûts de matériel, de formation ou de transport.
Les démarches et obligations pour déclarer un salarié en auto-entrepreneur
Si malgré tout tu décides de franchir le pas, prépare-toi à une série de démarches administratives. En tant qu’employeur, même auto-entrepreneur, tu es soumis aux mêmes obligations que n’importe quelle entreprise.
Étape 1 : La Déclaration Préalable à l’Embauche (DPAE)
C’est la toute première formalité, absolument obligatoire. Tu dois effectuer la DPAE auprès de l’Urssaf dans les 8 jours qui précèdent l’embauche. Cette déclaration unique permet d’accomplir plusieurs démarches en une seule fois.
Grâce à la DPAE, tu vas :
- Demander ton immatriculation en tant qu’employeur à la Sécurité Sociale.
- Immatriculer ton salarié au régime général de la Sécurité Sociale.
- Affilier ton entreprise à l’assurance chômage.
- Demander l’adhésion à un service de santé au travail.
- Organiser la visite d’information et de prévention (VIP) pour ton salarié.
Étape 2 : L’affiliation à une caisse de retraite complémentaire
Dès le premier salarié, tu as l’obligation d’affilier ton entreprise à une caisse de retraite complémentaire. Pour tous les salariés du secteur privé, il s’agit de l’Agirc-Arrco. Cette adhésion est indispensable pour que ton employé puisse cotiser pour sa retraite complémentaire.
Étape 3 : La rédaction du contrat de travail
Même si un contrat verbal peut exister, il est fortement recommandé de rédiger un contrat de travail écrit. C’est obligatoire pour un CDD ou un contrat à temps partiel. Le contrat doit préciser les éléments essentiels de la relation de travail.
Les mentions obligatoires incluent :
- L’identité des deux parties (toi et ton salarié).
- La nature du contrat (CDI, CDD).
- La description du poste et des missions.
- Le lieu de travail.
- La durée du travail (temps plein ou partiel).
- La rémunération et sa composition (salaire de base, primes…).
- La durée de la période d’essai.
- Les congés payés.
Étape 4 : L’ouverture et la tenue du registre unique du personnel
Tu dois tenir un registre unique du personnel dès l’embauche de ton premier salarié. Ce document liste, dans l’ordre chronologique des embauches, toutes les personnes qui ont travaillé ou travaillent pour toi. Il doit être conservé pendant 5 ans après le départ du salarié.
Étape 5 : Les obligations d’information et de prévention
En tant qu’employeur, tu es responsable de la santé et de la sécurité de ton salarié. Cela passe par l’organisation d’une Visite d’Information et de Prévention (VIP) auprès de la médecine du travail, dans les 3 mois suivant l’embauche. Tu dois aussi afficher certaines informations obligatoires sur le lieu de travail (coordonnées de l’inspection du travail, etc.).
Étape 6 : La gestion de la paie et les documents de fin de contrat
Chaque mois, tu devras établir et remettre une fiche de paie à ton salarié, conforme à la législation. C’est une tâche complexe qui nécessite souvent de faire appel à un comptable ou un service spécialisé. En fin de contrat, tu devras lui fournir un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi).
Cas spécifiques : Embaucher un stagiaire ou un apprenti en micro-entreprise
Si l’embauche d’un salarié classique te paraît trop lourde, tu peux envisager d’autres formes de collaboration comme le stage ou l’apprentissage. Les règles sont différentes.
Le cas du stagiaire : une option plus souple
Accueillir un stagiaire est bien plus simple que d’embaucher un salarié. Un stagiaire n’est pas lié par un contrat de travail, mais par une convention de stage tripartite (signée par toi, le stagiaire et son établissement de formation). Il n’y a pas de DPAE à faire.
Voici les points clés à retenir :
- Objectif pédagogique : Le stage doit s’inscrire dans le cursus de l’étudiant.
- Durée maximale : 6 mois par année d’enseignement.
- Gratification : Si le stage dure plus de 2 mois, tu dois verser une gratification minimale. En 2024, elle est de 4,35 € par heure. Cette gratification n’est pas soumise aux cotisations sociales.
- Pas de lien de subordination : Tu ne peux pas exiger d’un stagiaire le même travail que pour un salarié.
Le cas de l’apprenti : un vrai contrat de travail
Embaucher un apprenti est un engagement plus fort. L’apprenti est un jeune en formation qui alterne entre enseignement théorique (CFA) et travail pratique chez toi. Il est considéré comme un salarié à part entière, avec un contrat de travail spécifique : le contrat d’apprentissage.
Cela implique :
- Les mêmes démarches qu’un salarié (DPAE, fiche de paie…).
- Une rémunération qui correspond à un pourcentage du SMIC, variable selon son âge et son niveau de formation.
- Le versement de cotisations sociales, même si des aides existent pour les réduire.
Les alternatives à l’embauche directe pour l’auto-entrepreneur
Face à la complexité de l’embauche, il existe heureusement des solutions plus flexibles et mieux adaptées au statut de la micro-entreprise pour te faire aider.
| Solution | Avantages | Inconvénients | Idéal pour… |
|---|---|---|---|
| TESE (Titre Emploi Service Entreprise) | ✅ Simplifie les formalités (DPAE, contrat, paie). L’Urssaf gère tout. | ❌ Ne résout pas le problème de la non-déductibilité des charges. | Des besoins très ponctuels et de courte durée. |
| Sous-traitance | ✅ Grande flexibilité. Pas de formalités d’employeur. Simplicité (une facture). | ❌ Risque de ‘salariat déguisé’. Coût non déductible du CA. | Déléguer des tâches spécifiques à un autre expert indépendant. |
| Portage salarial | ✅ Zéro gestion administrative pour toi. Le ‘porté’ est salarié d’une société de portage. | ❌ Coût élevé (frais de gestion de la société de portage). Non déductible. | Collaborer sur des missions longues avec un indépendant qui veut la sécurité du salariat. |
| Intérim | ✅ L’agence d’intérim est l’employeur et gère tout (contrat, paie). Grande réactivité. | ❌ Coût plus élevé qu’une embauche directe. Non déductible. | Faire face à un pic d’activité soudain et imprévu. |
Le Titre Emploi Service Entreprise (TESE)
Le TESE est un service gratuit de l’Urssaf qui simplifie la gestion administrative d’un salarié en CDD ou pour des missions occasionnelles. Tu déclares ton besoin en ligne, et le TESE se charge de la DPAE, du contrat de travail et des fiches de paie. C’est une aide précieuse sur la forme, mais elle ne change rien au problème de fond de la non-déductibilité des charges.
La sous-traitance à un autre indépendant
C’est souvent la solution la plus simple et la plus courante. Tu fais appel à un autre freelance (un autre auto-entrepreneur, par exemple) pour réaliser une partie de ta mission. Il t’envoie une facture, que tu paies. C’est simple, flexible et sans engagement. Mais la vigilance est de mise.
⚠️ Attention au salariat déguisé !
Si tu travailles toujours avec le même freelance, que tu lui imposes des horaires, un lieu de travail et que tu lui donnes des ordres précis, l’Urssaf peut considérer qu’il existe un lien de subordination. Votre relation de sous-traitance pourrait être requalifiée en contrat de travail, avec un lourd redressement financier à la clé.
Le portage salarial
Le portage salarial est une relation à trois : toi (l’entreprise cliente), le consultant que tu as choisi, et une société de portage. Le consultant est salarié de la société de portage, qui te facture ses services. Tu n’as aucune démarche d’employeur à faire. C’est une solution sécurisante mais coûteuse, car la société de portage prélève des frais de gestion.
Le contrat d’intérim
Pour un besoin urgent et temporaire, tu peux passer par une agence d’intérim. C’est elle qui est l’employeur du salarié mis à ta disposition. L’agence gère l’intégralité de l’administratif. C’est une solution très souple mais aussi la plus chère, car tu paies le service de l’agence en plus du coût du salarié.
Quelles aides à l’embauche pour un auto-entrepreneur ?
En tant qu’employeur, l’auto-entrepreneur peut prétendre à certaines aides à l’embauche, au même titre que les autres entreprises. L’éligibilité dépend de conditions strictes liées au profil du salarié recruté ou au type de contrat.
Les principales aides concernent :
- L’aide unique pour l’embauche d’un apprenti.
- Les aides pour l’embauche d’une personne en situation de handicap.
- Certaines aides spécifiques liées au contrat de professionnalisation.
Il est essentiel de se renseigner auprès des organismes compétents (France Travail, Urssaf, Agefiph) pour vérifier ton éligibilité avant de lancer le recrutement.
Embaucher en auto-entreprise est légalement possible, mais souvent peu rentable et administrativement complexe. C’est une décision qui peut mettre en péril la simplicité même qui fait le succès de ce statut. Avant de te lancer, analyse bien ton besoin : est-il ponctuel ou structurel ?
Pour un besoin durable, la meilleure solution est souvent d’envisager un changement de statut juridique pour passer en société (EURL ou SASU). Cela te permettra de déduire tes charges, de protéger ton patrimoine et de développer ton activité sur des bases plus solides.
FAQ (Questions Fréquemment Posées)
Un auto-entrepreneur peut-il embaucher en CESU ?
Non. Le statut d’auto-entrepreneur est destiné à une activité professionnelle. Le CESU (Chèque Emploi Service Universel) est réservé aux particuliers employeurs pour des services à la personne effectués à leur domicile privé (ménage, garde d’enfants…).
Combien de salariés peut embaucher un auto-entrepreneur ?
Il n’y a aucune limite légale au nombre de salariés. Cependant, la réalité économique (plafonds de CA, non-déductibilité des charges) rend très difficile l’embauche de plus d’une personne, et seulement pour un temps partiel dans la plupart des cas.
Un auto-entrepreneur peut-il embaucher un autre auto-entrepreneur ?
Non, on n’embauche pas un auto-entrepreneur, on lui sous-traite une mission. Il s’agit d’une relation commerciale entre deux professionnels indépendants, formalisée par un contrat de prestation et une facture. Attention à ne pas créer de lien de subordination pour éviter la requalification en salariat déguisé.
Quel est le chiffre d’affaires minimum pour embaucher ?
Il n’existe pas de minimum légal. La question est plutôt celle de la rentabilité. Tu dois calculer si ton chiffre d’affaires, après déduction du coût total du salarié et de tes propres charges, te laisse un bénéfice suffisant pour vivre. C’est un calcul à faire au cas par cas.
Est-il préférable de changer de statut juridique pour embaucher ?
Oui, dans la majorité des cas. Si ton besoin de main-d’œuvre est régulier et structurel, passer en société (EURL ou SASU) est la solution la plus pérenne. Tu pourras déduire le salaire et les charges, amortir ton matériel et sécuriser ton développement sans la contrainte des plafonds de la micro-entreprise.